Chrysalide

Peut-on se suicider pour rien? C'est ce qu'a tenté la narratrice le jour de ses quatorze ans. Elle prendra un long temps à saisir qu'on peut vouloir se suicider non pour rien, mais parce qu'on est rien. Aude livre ici un roman d'une infinie justesse sur le désarroi des filles qui copient leurs comportements sur des modèles imposés et qui n'arrivent jamais à être vraiment elles-mêmes.

Jusqu'à l'adolescence, je m'étais si bien conformée à ce que les autres attendaient de moi que je n'étais plus qu'une image, avec rien derrière. Le jour de mes quatorze ans, j'ai senti qu'il y avait urgence, que je devais réagir, là, tout de suite, sinon il serait trop tard. Le premier geste que j'ai fait pour me redonner vie a été de me suicider. J'ai été réanimée in extrémis et j'ai passé deux jours dans le coma, qe qui n'a pas été une mauvaise chose, le fait qu'on me sauve, bien sûr, mais le coma aussi, puisque j'avais l'estomac et l'oesophage dans un piètre état, en feu, totalement inutilisable avant que leurs parois et leurs muqueuses se régénèrent. En fait, je n'avais pas du tout envie de mourir, encore moins de souffir, et j'ai été folle d'avaler n'importe quoi sans réfléchir, sur un coup de tête. D'autant plus que ça n'a servi à rien. Mes parents n'ont alors rien compris à mon geste. Moi non plus, d'ailleurs, et cela, pendant longtemps.